Contemplation et bénédiction à Carouge (26/08/2025)
Prêcheur de la messe de rentrée à Carouge ce 24 août, le jésuite suisse Stephan Rothlin vit et enseigne depuis vingt-sept ans en Chine, où il a été envoyé par son confrère et aîné Pierre Emonet, bien connu à Genève. Ce long séjour, qui l’a conduit à diriger le prestigieux Institut Ricci de Macao, l’a enraciné dans une double vocation : celle d’un chercheur engagé dans le dialogue entre Orient et Occident, et celle d’un homme de contemplation, attentif aux résonances spirituelles et culturelles qui traversent les civilisations.
Dimanche 31 août, à 10h, sur la place de Sardaigne, célébration œcuménique de la Vogue de Carouge. Fondée en 1780 comme fête votive de l'église de Sainte-Croix, la vogue a pris un tour laïque en 1939. Montée naguère le 14 septembre, date de fête de la Sainte Croix, elle a été avancée de 15 jours pour échapper au mauvais temps qui sévissait alors à la mi septembre et coïncider avec la rentrée des classes.
Contemplation selon Stephan Rothlin
- Concentrez vous sur la respiration: comment l’air entre et sort de votre nez. Videz-vous de vos pensées parasites.
- On écoute les bruits ambiants avec un sentiment de reconnaissance.
- On écoute son corps comme expression de l’esprit saint, en partant des pieds jusqu’à la tête.
Une trentaine de personnes, les mains jointes par le bout des doigts, suit docilement les instructions du maître venu de Chine. Que nous rapporte donc cette année Stephan Rothlin?
"Contempler, le chemin à venir" par Strphan Rothlin. A lire sur le site jesuites.ch
Dans un souffle à peine audible, le religieux livre sa leçon, la contemplation, “une tradition que l'Occident et même l’Orient ont un peu perdue”, dit-il. Trop de divertissements, trop de consommations incessants, abrutissants, trop de trop, sans doute.
Ce 25 août à la salle paroissiale de Carouge, Stephan Rothlin a mis de côté les cours d’éthique des affaires qu’il délivre à Pékin, à Shanghai, à Hong Kong, à Macao, à ce monde corrompu. Ce soir, il veut transmettre son savoir, son art le plus secret, une pratique quotidienne, une demi-heure au moins: la contemplation. Une pratique qu’il enseigne en ligne depuis Hong Kong ou Macao car une loi récente interdit en Chine continentale toute pratique religieuse et la contemplation est assimilée à une religion.
Elle l’est en vérité. Car le but de la contemplation à la sauce jésuite n’est pas la vacuité des philosophies et religions orientales et moins encore le nihilisme occidental, mais, tout au contraire, la quête bien réelle de la présence divine, qui ne l’est pas moins, celle du Christ qui nourrit la liberté des humains, qui les délivre de toutes les oppressions, les leurs, celles des autres, celles des puissants. Qui eux ne supportent pas cette liberté, qui les défient.
Pierre Emonet, Stephan Rothlin, Philippe Schönenberger
"Même Ignace de Loyola, qui a fondé la compagnie de Jésus et inscrit la contemplation à la mode de Saint François, en a été victime, me glisse Pierre Emonet à l'heure de l'apéro. Victime de l'Inquisition en Espagne qui l'a contraint à se réfugier en France où déjà âgé il a poursuivi ses études."
Le silence étire le temps. Le maître Stephan poursuit:
- Et nous voici présents. Choisissez un mot qui vous tient à cœur: Jésus, ABBA, père, par exemple. Mettez-le en harmonie avec votre respiration…
- Terminez en joignant les mains et en vous inclinant en signe de paix.
L'exercice n’a pas duré plus d’un gros quart d’heure. Le public était acquis et conquis. Il a posé plus de questions que lors d’une conférence habituelle. Un nouveau rituel pour nos communautés, plus proches des attentes de nos contemporains que le chapelets et la litanie des saints?
Polyglotte — il maîtrise six langues et apprend aujourd’hui le cantonais et le tibétain —, Rothlin est également pianiste virtuose. Cette sensibilité artistique, autant que son enracinement spirituel, nourrit sa conception d’une contemplation solidaire, tournée vers l’autre et ouverte au dialogue interculturel.
Son plus récent ouvrage, « Solidarische Kontemplation. Im Dialog zwischen Ost und West » (Contemplation solidaire. Dans le dialogue entre l’Orient et l’Occident), publié aux éditions Fromm Verlag, témoigne de cette quête. Dès les premières pages, l’auteur invite à redécouvrir la contemplation comme un héritage vivant, capable de fonder des ponts entre les traditions spirituelles. La contemplation, écrit-il, n’est pas un retrait du monde, mais une manière d’habiter l’histoire avec profondeur, de la regarder avec les yeux du cœur et de s’engager pour une société plus juste.
À travers ses recherches, ses publications et son enseignement, Stephan Rothlin rappelle que la contemplation ne se réduit pas à une posture intérieure, mais qu’elle est profondément solidaire. Elle devient un chemin de réconciliation, d’innovation sociale et de rencontre entre cultures. En cela, il s’inscrit dans la lignée des grandes figures jésuites du dialogue interculturel et interreligieux, tout en offrant une contribution originale, nourrie de son expérience chinoise et de sa propre créativité.
Messe de rentrée du 24 août
La veille, dimanche 24 août, dans la même salle, Stephan Rothlin avait participé à la messe de rentrée de notre unité pastorale, présidée par notre curé, Philippe Schönenberger et nos quatre abbés émérites Jean-Marc Lacreuze, Gilbert Joye, Pierre Emonet, Xavier Lingg.
Point de programme affiché pour cette nouvelle année pastorale qui s'ouvre. Point de rendez-vous marquants ni de temps forts annoncés: une liturgie toute en proximité et en musique. On apprécie cette intimité, le fait que le clergé soit à hauteur des fidèles, la communauté réduite à elle-même, libérée de l'histoire que trimbale nos églises, celle de Sainte-Croix, les autres sanctuaires et temples du canton, leur architecture rappelant souvent une gloire statufiée dans le calcaire, un temps où les papes étaient encore des souverains régnant sur les âmes et sur des territoires. Ne sommes-nous pas encore un peu prisonniers de ces temps-là?
La salle paroissiale de Carouge n'est pas bien grande. Chacun y trouve sa place. Le rituel suit son court. C'est heureusement le moment d’évoquer les bénévoles sans qui nos paroisses n’existeraient pas.
Laurence Faulkner Sciboz, animatrice pastorale, responsable de la catéchèse, s'en charge. Elle dit quelques mots à leur intention. L'assemblée est invitée à manifester son soutien par le signe de la croix et à dire du bien d'eux (benedicere, dire du bien d'autrui c'est le sens du mot bénir).
On peut télécharger son propos ici ainsi que les prières universelles. Bernard Dusonchet pour Compesières a prié
- En ce jour festif de la messe de la rentrée nous te demandons, Seigneur,
de nous accompagner tout au long de cette nouvelle année pour que
nos cinq paroisses arrivent à vivre et à grandir en communauté.
Face aux défis qui nous attendent avec l'arrivée de nouveaux habitants,
donne-nous, Seigneur, l'énergie dont nous aurons besoin pour les
accueillir et que nos communautés leur fassent envie de nous rejoindre.
Seigneur, nous te prions.
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