Lourdes et les Baionnettes de Compesières (13/02/2025)

Capture d’écran 2025-02-13 à 15.59.51.png

"Venez avec moi à Lourdes!" Le curé de Compesières, Philippe Schönenberger, qui a pris ses quartiers en septembre 2023 à Carouge en tant que curé modérateur de l'Unité pastorale Carouge Salève Acacias, me lance ce défi cette semaine.  

Lourdes donc? Du 18 au 24 mai, le pèlerinage romand sera dirigé - année sainte oblige - par notre évêque Charles Morerod. L'équipe pastorale de notre UP en sera, L'abbé Philippe cherche à agrandir son groupe. Intéressés? Les simples pèlerins peuvent s'inscrire jusqu'au 9 mars ici.

En 2025, cette date coïncidera avec le premier dimanche du temps de carême. La messe sera célébré à Compesières. Coïncidence?

IMG_2597.jpegAutre coïncidence: la veille, le 8 mars, les amis de Compesières auront marqué  les 150 ans du "Baptême à la baïonnette" (Informations et inscriptions ici)

Lourdes et les baïonnettes, quel rapport? Ce sont sont tous deux des événements du  Kulturkampf, cette lutte des cultures qui a opposé, à la fin du XIXe siècle,  l'Eglise catholique principalement, d'une part, et les partisans de la souveraineté populaire, héritiers des Lumières - les Voltaire et Rousseau pour parler des plus proches - d'autre part.

Capture d’écran 2025-02-13 à 15.52.22.png

Capture d’écran 2025-02-13 à 16.03.13.png

Longtemps le prince et l'évêque ne faisaient qu'un, notamment à Genève, où les armoiries de la ville et du canton témoignent encore de cette cohabitation souvent disputée: la double aigle pour l'empereur, la double clé pour Saint-Pierre. Calvin a poursuivi voire accentué ce régime théocratique où dominaient les intérêts supposés du bon Dieu, en fait surtout ceux du clergé ou des pasteurs et de leurs affidés. Cependant les bourgeois avaient obtenu - ou arraché, selon le point de vue - quelques libertés, les franchisses, de l'évêque Adhémar Fabri. Les patriciens n'ont cessé d'élargir leurs pouvoirs  sur le gouvernement de la Ville, renvoyant progressivement les pasteurs dans les temples. 

Le mariage de raison de 1814-1816

En 1814-1816, la réunion à la Ville protestante de communes françaises et savoyardes, où tous les habitants sont catholiques, fut un mariage de raison, quoique les catholiques n'aient pas été consultés.

Le XIXe siècle est celui de la vapeur, de l'industrie, de l'émancipation des citoyens, de la création des Etats nations,  de la diffusion à large échelle des idées d'égalité de liberté, un siècle de migrations aussi, d'emprise de l'Europe sur le monde, d'exploitation des ouvriers. La vie est rude et précaires alors. Ces bouleversements font perdre au clergé un peu de son latin et aux conservateur le pouvoir. A Rome, Pie IX s'est enfermé dans le Vatican et a lutté à coups d'encycliques contre les modernes, les francs-maçons, les républiques. 

Dans son Kulturkampf, il mobilise une femme: la Vierge Marie. En 1854, il décrète que la Mère du Christ est née sans avoir été entachée par le péché originel. C'est le dogme de l'immaculée conception, toujours fêtée le 8 décembre et qui est à l'origine de la fameuse fête des lumière de la ville de Lyon. Quatre ans plus tard, en 1858, à Lourdes, la Vierge apparaît à une bergère. L'engouement pour la Mère du Christ prend les proportions d'un culte, creusent encore davantage le fossé avec les protestants et même les orthodoxes.

A Cornavin, la première église construite à Genève depuis la Réforme est dédiée à Notre-Dame, sur une parcelle libérée par la destruction des remparts de la ville et mise à disposition des catholiques par le radical libéral James Fazy (Sont bâties à la même époque et dans les mêmes circonstances: la synagogue, l'église anglaise, l'église russe et un temple maçonnique devenu l'église du Sacré Coeur, siège actuel de l'Eglise catholique romaine à Genève, à deux pas du Grütli). 

Rebelote en 1870 avec la proclamation d'un autre dogme, celui de l'infaillibilité pontificale. La coupe est pleine. Des catholiques se séparent et créent l'Eglise catholique chrétienne. Le parti alors au pouvoir à la Tour Baudet s'est aussi radicalisé. Il fait voter en 1873 une loi qui organise le culte catholique sur le modèle de l'Eglise nationale protestante. Rébellion dans les campagnes. Injures, vexations et libelles détériorent le vivre ensemble pendant des années. Les prêtres restent fidèles à Rome et refusent de prêter serment à la République. S'en suit une série de persécutions. Les fidèles du pape, pourtant majoritaires, sont progressivement privés de leurs églises. Des congrégations actives dans les soins et l'enseignement sont expulsées. Le mouvement anticlérical touche l'Allemagne, la Suisse allemande. La Constitution suisse votée en 1874 interdit les Jésuites (ils seront à nouveau autorisés en 1973). 

Le Baptême à la baionnette

Le 20 janvier 1875, le Conseil d'Etat demande aux maires de Bardonnex et de Plan-les-Ouates d'ouvrir l'église de Compesières à un prêtre assermenté. Ils refusent. La population chassant les intrus à coups de pierres. Les maires sont destitués. Cinq jours plus tard, le baptême est célébré sous la protection des baïonnettes de plus de 400 gendarmes mobilisés. Trois mille curieux assistent à l'événement, rapportent le Journal de Genève et Le Courrier.  

 

16:01 | Lien permanent | Commentaires (0)