L'abbé Xavier Lingg, qui fêtera ses 90 ans le 19 mars et à la santé duquel les paroissiens de Compesières, Troinex et Veyrier trinqueront ce dimanche 17 mai, a été curé du Lignon durant 16 ans, son plus long ministère.
Au tournant du millénaire, il était curé de Notre-Dame. Sa retraite à Compesières et La Croix-de-Rozon est plutôt active. Il est toujours prêtre accompagnateur de la communauté germanophone à St-Boniface et dit régulièrement la messe dans le cadre de la catéchèse des paroisses Salève.
Après les deux chocs pétroliers des années 1970 et l'évacuation du Vietnam par les Américains, les années 1980 voient le pape polonais Jean Paul II secouer les démocraties populaires européennes jusqu'à la chute du Mur de Berlin, la libération des pays de l'est et l'effondrement de l'Union soviétique. Deux forces très différentes gouvernent le monde: la finance et les réseaux. L'Internet, né au CERN au début des années 80, très vite dominé par les Américains, fait du monde un grand village. La finance, un réseau protégé par le secret des affaires, renforcent le pouvoir des possédants au détriment des travailleurs...
1981 à 1997: Entre Aïre et le Lignon
J’ai su deux ans à l’avance que j’allais quitter Veyrier pour une nouvelle aventure. En 1979, le vicaire épiscopal Fernand Emonet m’a convoqué au vicariat. Deux périodes de cinq ans dans une paroisse étaient d’usage à l’époque. Il m’a dit: On a une paroisse où on aurait besoin d’un type comme toi. Il était question d’apaiser des relations sans donner raison ni à l’une ni à l’autre des personnes concernées. La décision est tombée deux ans plus tard.
Mon arrivée au Lignon a nécessité quelques efforts de diplomatie. Une fois le passé soldé, (je vous passe les humeurs des coulisses) la greffe a pris assez vite. J’y suis resté seize ans
Le noyau de la paroisse était à Aïre mais on a pu intégrer pas mal d’habitants de la plus longue barre d’immeubles d’Europe. Au début on a envoyé à tous les catholiques enregistrés dans le fichier catholique un ou deux feuillets par trimestre et ce grâce aux bons soins du Vicariat de son secrétaire général d’alors, Pierre Regad. On est passé ensuite au bulletin paroissial de St Maurice par abonnement.
J’ai renoncé aux camps de jeunes l’été. Mais j’ai poursuivi le travail avec les parents dans la catéchèse et la première communion c’était un énorme boulot. Au Lignon on faisait des réunions générales et des groupes de 30 familles, environ 30 enfants par année. Des paroissiens m’envoient encore des vœux à la fin de l’année.
Au Lignon, comme partout à Genève, nous formions avec Vernier, St-Pie X et Châtelaine, quatre grandes paroisses, une unité pastorale, une des rares retombées du grand examen de conscience du diocèse “AD 2000”, lancé en 1997 par Amédée Grab, évêque auxiliaire de Genève depuis 1987, qui venait deux ans plus tôt de succéder à Pierre Mamie à Fribourg. Les prêtres de l’Unité pastorale des Boucles du Rhône étaient convenus de célébrer dans chacune des paroisses selon une rotation préétablie, histoire de faire unité tant que faire se peut.
A l’approche de l’an 2000, on a élaboré un planning pour une collaboration plus étroite entre les paroisses afin de vivre avec moins de prêtres. Le projet longuement discuté a été soumis à Mgr Farine. L’idée était que les prêtres de notre UP démissionneraient tous ensemble afin de permettre une restructuration sur le modèle proposé. Pierre Farine a écouté avec bienveillance. Et il a dit: C’est bien mais toi Xavier ça ne te concerne pas, tu es au bout de trois “quinquennats” au Lignon, tu peux devenir aumônier des HUG. Je ne me sentais pas le charisme nécessaire.
C’est alors que survint ce terrible événement à Notre Dame où une personne tira sur le curé Michel Kaufmann et son sacristain blessant et traumatisant ces deux fidèles serviteurs. C’est ainsi que je suis devenu curé de Notre Dame.
1997 à 2006 Notre-Dame
Succéder aux abbés Blanche, Rossi, Kaufmann, c’était quelque chose. La Basilique hébergeait en fait une petite paroisse mais les sept offices du dimanche ne désemplissaient pas. Les confessionnaux étaient aussi pris d’assaut. En fin de semaine, toute l’équipe était mobilisée. Oh pas tant pour des rencontres, le temps manquait, mais surtout parce qu’on nous demandait des absolutions expresses.
Une fois j’ai reçu un homme qui méritait qu’on l’écoute. Je lui ai consacré du temps jusqu’au moment où ceux qui attendaient leur tour ont tambouriné contre la porte. L’un d’eux à même écrit une lettre incendiaire.
- La confession n’est aujourd’hui plus guère tendance…
- Détrompez-vous. Elle est encore proposée dans de nombreuses églises.
A Veyrier et au Lignon, il y avait déjà les absolutions communautaires, se souvient Xavier Lingg. Cette pratique s’est étendue à toutes les paroisses ici avant d’être remise en cause par Rome. J’ai aussi participé plusieurs fois aux rassemblements « Prier témoigner », le mouvement lancé par Daniel Pittet et les Schenker (dont l’un a épousé une de mes nièces) rassemblait deux à trois mille jeunes à Fribourg . Il y avait toujours un évêque et des conférenciers et des témoins de grande valeur. Les soirées pénitentielles duraient une grande partie de la nuit. Ce mouvement ne s’est à ce jour pas relevé après le Covid. Et puis, il m’est arrivé encore d’être invité dans des communautés qui vivent leur foi avec une certaine ferveur. Je suis aussi actif dans la paroisse Ste Thérèse où il m’arrive d’être un confesseur.
Pour revenir à Notre Dame, j’avais l’abbé Nicod comme auxiliaire. Il avait l’habitude de saluer les gens à toutes les messes Je me suis dit qu’il serait utile de scinder la fonction du prêtre administrateur en deux: un curé chargé de la paroisse et un recteur de la basilique chargé des affaires et des relations qu’engendre la basilique de Genève. Cette fonction fut créée après mon départ.
Dernier souvenir qu’on trouve sur Internet, un épisode tragique de l’histoire suisse, à laquelle Xavier Lingg a été associé, en tant qu’aumônier de l’aéroport. La célébration du 3 septembre 1998 en mémoire des victimes du crash de l’avion Swissair SR 111 au-dessus d’Halifax.
A Compesières, Troinex, St Boniface…
En 2004, j’ai eu 70 ans. Le Conseil de paroisse de Notre Dame me cherchant des poux, j’ai donné ma démission deux ans plus tard. J’ai fait valoir mon droit à un temps sabbatique que je n’avais jamais pris. Je suis parti six mois à l’école biblique française à Jérusalem.
Comme prêtre retraité, j'aspirais à ne pas être trop relégué dans la nature et à pouvoir rendre quelques services. On m'a proposé Confignon où l’abbé Kaelin était sur le point de quitter, Hermance où l’abbé Stauffer cherchait à revenir en ville et Compesières. J’ai opté pour Compesières sachant que j’allais retrouver des paroissiens de Veyrier.
Mon temps n’était en effet pas fini. A Compesières, j’ai donné des coups de main à l’abbé Truong, alors curé de Veyrier et de l’UP Salève. L’église était alors l’objet de fouilles de la part du Service d’archéologie, profitant des travaux de réfection du système de chauffage.
- Et vous avez alors fait don du nouvel autel et de l’ambon de Compesières.
- En effet, et aussi un calice.
Très vite, on me confia en ville une nouvelle activité régulière: “Comme tu es bilingue, la communauté allemande de St Boniface (qui avait perdu son statut de paroisse) a besoin d’un officiant”, m’a dit le vicaire épiscopal. Mes parents faisaient partie de ces migrants de l'intérieur. La plupart des Suisses allemands s’étaient francisés. Cependant une belle communauté d’Allemands et d’Autrichiens demandaient un pasteur. “Je te confie cette communauté linguistique au titre de prêtre accompagnant.” C’est ainsi que depuis 18 ans, je célèbre la messe en allemand deux fois par mois, à Saint-Boniface, et prêche la totalité des dimanches du Carême et de l’Avent. Il m’a fallu mettre à jour mon allemand qui n’avait guère dépassé le vocabulaire d’un gamin de 12 ans.
Dernier épisode (5/5): "Xavier, prêtre et pèlerin"