Ce dimanche 5 mars 2023, l'Unité pastorale de Carouge, Veyrier, Troinex, Compesières et Acacias dira au revoir à son jeune curé Elie Maomou à 11h. Toutes les autres messes du week-end-end seront supprimées.
Nous avons à peine eu le temps de faire connaissance avec Elie et de nous apprivoiser mutuellement, qu'un appel de son évêque rompt les liens naissants noués avec cet homme du Continent Premier, comme nomme l'Afrique mon ami Gorgui Ndoye, journaliste sénégalais accrédité au Palais des Nations.
Ainsi va la vie des prêtres, serviteurs disciplinés des évêques eux-mêmes soumis au Vatican.
Nous étions heureux d'accueillir le 3 septembre 2019 en l'église Sainte-Croix à Carouge. Signé Genève, le supplément de La Tribune de Genève titrait: Un jeune abbé de la Guinée Conakry débarque à Carouge, sans donner beaucoup d'information sur le nouvel arrivant, nommé un an plus tard par notre évêque, Charles Morerod, curé administrateur de notre Unité pastorale Carouge Salève Acacias. Elie est resté pudique sur ses origines, sa famille, son parcours. Et l'Internet est avare d'information.
En tapant son nom, je suis tombé sur ce document où notre abbé se présente dans l'habit d'un prêtre africain. J'ai trouvé cette photo sur le site du Centre romand des vocations. Il y développe brièvement une réflexion sur la vulnérabilité.
Par bribe, on a appris qu'il est né dans le sud de la Guinée, pas très loin de la frontière ivoirienne, il y a une bonne trentaine d'années, dans une famille protestante, une famille de chef. Une famille qui n'a pas bien accepté son transfert dans l'équipe catholique pour parler en terme footballistiques. Et moins encore son ordination à la prêtrise qu'il n'a fêtée qu'avec ses amis.
Note: Les Européens n'ont pas seulement imposé leur loi et dessiné leurs frontières en Afrique, divisant souvent les peuples et les clans. Les Eglises et leurs missionnaires ont participé activement au bariolage religieux du contient. Au point que c'est dans leurs rangs que la notion d'oecuménisme est née au début du siècle dernier.
Quatre ans à peine et une pandémie plus tard, le monde a profondément changé. La pandémie a certes été vaincue, mais elle a fait des millions de victimes et érodé la confiance des gens en notre système démocratique. La guerre en Ukraine, avant elle l'intervention américain en Irak, les tensions en mer de Chine, de la Corée à Taiwan, le retour des talibans en Afghanistan, le pourrissement des conflits au Proche-Orient et ailleurs, rendent le monde moins sûr. Nous sommes huit milliards d'humains sur la planète. Nous n'étions que deux milliards en 1920.
Dans notre UP, le changement est radical. Sur la photo de septembre 2019 (ci-dessus), il ne reste plus personne d'actifs.
Le départ de l'abbé Elie n'a pas été une surprise pour notre évêque. Il connaissait la demande de son homologue de Kankan depuis le printemps 2022. Comment se fait-il qu'il n'ait pas anticipé ce départ "précipité"? A-t-il sérieusement cru pouvoir imposer sa volonté à un évêque africain? N'a-t-il pas compris qu'on ne commande plus l'Afrique comme au siècle dernier?
Notre aveuglement, en Europe, est grand. La vérité est que le roi est nu. Notre diocèse n'a plus que de vieux et très vieux prêtres. Et notre réveil sera rude et plein de cris et de lamentations.
Ne sommes nous pas la cigale de la fable.
(...) « Que faisiez-vous au temps chaud ?
Dit-elle à cette emprunteuse.
— Nuit et jour à tout venant
Je chantais, ne vous déplaise.
— Vous chantiez ? j'en suis fort aise.
Eh bien ! dansez maintenant. »