L’Ukraine, martyrisée par le dictateur Poutine, a donné une actualité grave à la première messe catholique dite depuis 486 ans à la cathédrale Saint-Pierre de Genève, devenue temple réformé en 1535. Une minute de silence, une prière pour un cessez le feu, pour la paix. Quoi d’autre?

Les protestants présents et muets, nonobstant les mots d’accueil du président de la paroisse de Saint-Pierre, ont été invités à la communion, une ouverture passée presque inaperçue. Le site de l’église catholique de Suisse publie les photos  de l’imposition réciproque des cendres des deux amis à l’origine de cet événement historique: l’abbé Pascal Desthieux, vicaire à Genève de notre évêque Charles Morerod, et le pasteur Emmanuel Rolland, désormais « vicaire » de l’église protestante de Genève. 

Des photos de pasteurs en noir recevant l’hostie consacrée par un prêtre en violet, aucune. Aucune publiée. 

La cérémonie de ce 5 mars, qui a fait cathédrale comble - entre 800 et 1000 personnes -, s’est déroulée sans la pompe des messes solennelles d’un dimanche matin: pas d’encens, pas d’enfants de choeur, pas d’habits majestueux, pas de fleurs, pas d’oriflammes dans ce temple austère, emblème touristique de Genève, comme le Palais des Nations, le jet d’eau ou la rue du Rhône. 

Pas de « Je confesse à Dieu », pas de « Je vous salue Marie » non plus, pas de Credo où les catholiques proclament croire en « l’Eglise une, sainte, catholique et apostolique ». Une messe à Saint-Pierre vaut bien quelques concessions. Le Notre Père, entièrement commun, a permis à l’assemblée de prier d’une même voix sur l’air de Rimsky-Korsakov, un clin d’œil au maître de la Russie sans doute. 

«C’est beau de voir une cathédrale toute pleine pour célébrer la messe» à titré dès 21h samedi La Tribune de Genève en citant Pascal Desthieux. Le Temps s’est contenté de recopier la dépêche de l’ATS. Comme Léman Bleu. Pas un écho à la télévision romande. Sous la signature de Bernard Litzer, un journaliste devenu diacre, Cath.ch, le site de l’église catholique de Suisse consacre ce dimanche matin un article factuel à cette « messe pour l’histoire ». 

L’oecuménisme est fragile et depuis quelque temps hésitant. 

Quels seront les lendemains de cet office catholique à la cathédrale Saint-Pierre de Genève? D’emblée les calvinistes ont déclaré qu’ils n’envisageaient pas d’accueillir, comme leurs frères réformés à Lausanne, chaque année, une messe dans leur cathédrale.

« Pas question de fusion », a précisé Pascal Desthieux qui a pris soin d’évoquer « votre cathédrale ». La collecte a été destinée à la Fondation des Clefs de Saint-Pierre.

A Notre Dame ce dimanche, où les fidèles ont repris l’habitude de s’agenouiller pendant la consécration du pain et du vin et où l’encens embaume copieusement l’autel, le maître de cérémonie de la veille, le diacre Olivier Jouveray a même souligné qu’il ne fallait pas voir dans l’événement de la veille une quelconque volonté des catholiques de reconquérir la cathédrale. Le choc chez certains protestants serait-il tel qu’il faut multiplier les paroles d’apaisement. 

Il est temps de donner un électrochoc au dialogue oecuménique. Telle était l’intention initiale du pasteur Rolland lorsqu’il a invité son ami Pascal Desthieux en 2019. Un électrochoc ou la simple reconnaissance que nos églises sont vides et qu’il est temps que cessent nos vaines querelles. Cela vaut pour toutes les paroisses de notre canton. 

La balle est dans le camp catholique. A quand un culte à la Basilique Notre-Dame de Genève? A quand des offices œcuméniques réguliers dans toutes les maisons de Dieu de notre canton? (JFM)

Photos Bernard Hallet et JFM